Appels d'offre pour déséquipement de falaises : différentes logiques !

Il y a un peu plus d'un an, nous relayions une importante information sur l'interdiction de la falaise des Concluses (Gard) au prétexte d'un APB. Philippe Colin, secrétaire général du comité départemental FFCAM du Gard est remonté au créneau à l'issue de la publication d'un appel d'offre concernant le déséquipement du site dans un article publié par notre partenaire Kairn.com Hélas, cette affaire n'est ni la première, ni la seule seule du genre ! Outre les Concluses, le site du Pays des grès, comprenez Annot, fait lui aussi parti des sites soumis à appel d'offre mais pour une toute autre raison : son exploitation touristique ! Ici, c'est la Mairie qui prend le pouvoir sur les grimpeurs...



Extrait de l'article sur les Concluses : "Ca y est on l'attendait, il est arrivé ! Pour le premier appel d'offre de marché public de déséquipement d'un site d'escalade en France, le gagnant est le département du Gard ! Les Concluses, petit spot confidentiel s'il en est comptant quand même 70 voies, ayant été équipé en 1992 à l'initiative d'une personne, Xavier Dumas,grimpeur local et équipeur, n'a jamais connu de surfréquentation.

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Le problème, c'est qu'un Biotope avait été déclaré la même année, malgré que l'aigle de Bonelli eut déserté le site depuis 1988 ! Il fallut compter sur le zèle d'une structure associative, le Syndicat mixte des gorges du Gardon, pour dépoussiérer le dit Biotope et obtenir, à force de pugnacité, l'accord de la communauté de communes de l'Uzège pour voter un budget de 30 000 Euros et publier cet appel d'offre, symbole de victoire des oiseaux sur l'activité humaine...

Ainsi, après avoir sauvagement déséquipé une via ferrata dans un village non loin de là (qui devra être rééquipé à ses frais suite à l'action de la Fédération de spéléologie du département), ce déséquipement apparaît légalement viable puisque il semble très difficile de contester un Biotope, même si l'aigle n'a jamais remis les pieds sur le site depuis son départ il y a 26 ans...

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C'est toute notre activité qui est remise en question aujourd'hui..."


Et Philippe a bien raison car ce n'est pas le seul appel d'offre de ce genre en France ! Parlons un peu d'Annot, paradis sudiste des amateurs de blocs mais aussi de grès, de falaises et même de Trad'



Ce site remarquable, notamment pour sa géologie si particulière, fait le bonheur économique de sa Mairie qui a très vite compris l'intérêt qu'il y avait a exploiter ces tours rocheuses... Dans les années 90 en effet, la précédente municipalité avait mandaté des équipeurs qui ne savaient pas trop par quel bout attaquer ces grandes tours grès. Peu de prises permettant d'y grimper et surtout des difficulté pour rendre le spot "familiale" dans des murs raides et assez lisses avait conduit à l'ouverture des premières voies avec une éthique très particulière. En effet, après de nombreux contacts et divers refus, c'est une entreprise de mur d'escalade (Asymptote) qui avait œuvré. Et quand on dit "oeuvré", pour le coup c'est presque au sens littérale puisque de très nombreuses prises ont été sculptées  ( plutôt avec talent).  C'est d'ailleurs de leurs travaux que se sont inspirés les gars qui ont équipé Compte, un spot similaire vers Nice.

Mais les mairies se suivent et ne se ressemblent pas. La promotion du site passe désormais par les événements (autour du bloc et du Trad') mais surtout, la Mairie souhaite faire du site une vrai cash-machine comme elle l'annoncé sur trois pages (ci-dessous, cliquez pour agrandir) dès janvier 2013 dans le n°332 de son bulletin municipale ! 
La mairie semble en être le principal bénéficiaire par le biais des structures d'hébergements dont elle a la gestion.



Voici donc une commune qui, un peu à l'image d'Orpierre (05) aux débuts des années 80, mise sur le rocher pour assurer son développement économique. Une très bonne chose en soit mais qui suppose d'être à l'écoute des grimpeurs. La différence ici, c'est que l'on ne part pas de zéro. Des lignes sont déjà équipées par diverses personnes qui n'ont pas toutes la même sensibilité au projet municipal. Pire, Annot est à la fois un temple du bloc (activité où les ouvreurs sont nombreux et indépendants), de l'escalade dite"traditionnelle" (c'est à dire quasi non équipée) et que la Mairie souhaite y développer un site familiale et populaire...c'est à dire avec des voies plus faciles...

Nous avions déjà parlé de la remise en état du chemin sujette à quelques polémiques. 

Passons donc au "valorisation de l'escalade dans les grès" qui commence par.... un déséquipement comme stipulé dans l'appel d'offres.

Copie de la première page de l'appel d'offres pour le déséquipement
C'est le secteur des Jardins du roi qui vient donc de subir ce lifting suite à l'appel d'offre. Ici, les prises taillées ont même été rebouchées avec du ciment ! Il n'y a donc plus moyen d'y grimper... Il aurait sans doute suffit d'interdire le secteur, laisser le lierre reprendre sa place et le tour était joué mais... Si les voies n'étaient pas démentes et surtout bricolées à outrances, les démonter semble plus couillon qu'autre chose, d'autant que le rebouchage de prise au ciment n'est ni esthétique, ni écologique et prive même l'avifaune de possibilité de nidification !!! Nous avons contacté Lionel Catsoyannis, (l'un des équipeurs historiques) qui devrait nous envoyer des photos de ce lifting qu'il qualifie volontiers "d'assez insolite !"

Les locaux dont 
Lionel ont pu sauver quelques lignes dont "Exit in red". Reste celles de la Chambre du roi qui sont vraiment classes et totalement naturelles mais qui sont sont aussi dans le collimateur de la mairie parce qu'elles "gênent les randonneurs"

A noter pour ceux qui fréquentent la partie plus familiale du site, les dalles de la Beïte, qu'un gros éboulement (l'équivalent d'une bagnole est tombé au milieu des voies) et quelques gros blocs menacent encore suspendus dans les buissons. Bien que signalé à la FFME (gestionnaire du site) depuis 8 mois...rien. On peine donc à comprendre la logique municipale.

Pour le reste des déséquipements prévus, il ne s'agit pas de zones où le rocher serait dangereux  mais juste juste une histoire d'autorité ! Pourtant les randonneurs croisés sur le sentier sont plutôt contents de papoter et profiter du "spectacle" ! On pourrait d'ailleurs ajouter que les grimpeurs y ont fait un sacré boulot de "purge" gratis au dessus du chemin en ouvrant les 200 et quelques longueurs de trad'.

Nous voici donc avec un nouvel exemple de la difficile cohabitation entre le milieu de l'escalade, épris de gratuité et de liberté et les représentants de l'Etat, soucieux du développement économique d'un site et sa sécurité. Si à Orpierre, le développement  du site a accompagné le développement économique du village c'est bel et bien parce qu'il a été piloté conjointement par les grimpeurs locaux et les municipalités successives. Souhaitons donc que la Mairie d'Annot suive cet exemple !  

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